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A domicile, chacun invente son coin à lui : « C’est mon espace de régénération, où seul le chat s’invite parfois »

Casimir a joué l’immersion totale. C’est de sa « niniche », comme il l’appelle, que l’informaticien de 52 ans nous a raconté sa pièce à lui. Une tanière de 4 mètres carrés, prévue pour être un dressing, tout au bout d’un couloir. « Avoir un espace à moi à la maison m’est essentiel. Dans mon précédent appartement, j’avais investi un coin dans le salon. J’ai fini par étouffer par manque de calme et de liberté d’esprit », raconte le père de famille qui vit, dans la Charente-Maritime, avec sa fille de 12 ans et sa compagne. « C’est comme une minicabine de bateau, j’y entasse mes nombreux loisirs – informatique, création graphique, jeux vidéo et musique. En écartant les bras, je touche tous les murs, mais c’est mon espace de régénération où seul le chat s’invite parfois. »
« Niniche », « bureau », « cabane », « royaume », « sanctuaire »… Ces endroits à soi, où l’on ferme les écoutilles, pour travailler, s’adonner à ses passions ou simplement s’isoler des autres, interrogent la question des frontières de l’espace domestique. Aujourd’hui, chaque membre de la famille revendique son besoin d’intimité. La maison idéale doit concilier la douceur du vivre-ensemble avec la quête de liberté individuelle.
Le confinement et l’arrivée brutale du télétravail au milieu du trois-pièces cuisine a encore accentué ce besoin, mais aussi fait surgir un éléphant dans la pièce : les règles de répartition des mètres carrés disponibles. « Tout d’un coup, tous les membres du foyer se sont retrouvés ensemble et, en même temps, dans un espace contraint, observe Benjamin Pradel, sociologue, urbaniste et cofondateur d’Intermède, une coopérative d’activités liées à la transition des lieux, des territoires et des modes de vie. Ce qui était vivable, au quotidien, dans un rythme désynchronisé, a explosé à la figure de beaucoup. » Les mères de famille en particulier ont été les premières perdantes dans cette lutte pour l’espace. Un récent rapport de l’Institut national français d’études démographiques a montré que, pendant la pandémie, 42 % d’entre elles ont télétravaillé dans des pièces partagées contre 26 % des hommes.
Dans son appartement parisien, Marion, cadre dans le secteur pharmaceutique, mariée, trois enfants, a commencé pendant la crise sanitaire à s’enfermer dans sa salle de bains, pour s’accorder une pause, après une journée à télétravailler dans la pièce à vivre. Elle a gardé cette habitude. « Hors heures de pointe de la toilette, la salle de bains est un endroit assez tranquille. J’ai réussi à y faire rentrer un petit fauteuil en osier. Je m’y pose, pour lire, écouter un podcast, ou simplement laisser mon esprit divaguer. Et, miracle, personne n’ose me déranger. » Son rêve « inabordable » : acheter une chambre de bonne, au-dessus de l’appartement familial, pour en faire « [s]a pièce à tout faire ».
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