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« La notion de surtourisme relève du mépris de classe »

« Horde », « troupeaux », « nuée de criquets »… Les digues peuvent aussi céder quand il s’agit de qualifier une activité touristique qui aurait subitement versé dans l’excès. Il n’est désormais plus possible de parler de l’économie touristique sans faire référence au surtourisme.
L’avènement récent du concept de surtourisme n’est qu’une forme contemporaine d’une tourismophobie, qui consiste à mettre en exergue les quelques endroits de friction engendrés par des flux mal gérés, en minimisant ainsi, de facto, le bilan carbone de ceux qui voyagent à l’autre bout du monde. Le tour de passe-passe a consisté à braquer les projecteurs sur la masse.
On allait ainsi montrer du doigt la famille qui partait quinze jours par an à la mer, pour féliciter les aventuriers qui revenaient de leur écolodge au Costa Rica. On allait dénoncer ceux qui n’ont pas le choix de leurs vacances parce que leur entreprise ferme au mois d’août, pour applaudir ceux qui ont eu l’intelligence de ne pas encombrer les stations balnéaires de la côte du Languedoc, en partant à Bali l’hiver.
Le mauvais touriste, le touriste de trop, devient donc ce prolo qui encombre les autoroutes tous les samedis d’été, celui qui, dès le premier rayon de soleil printanier, décide de faire visiter le Mont-Saint-Michel à ses enfants. Comme forme de mépris de classe, on ne fait pas pire.
Alors oui, il y a bien des phénomènes de surfréquentation dans certaines villes et sites très touristiques, qui sont avant tout des problèmes de suroffre que les villes commencent à réguler. Le succès de la plate-forme Airbnb a fortement contribué à déséquilibrer le marché du tourisme dans les villes, alors qu’il participait dans le même temps à doper la fréquentation des espaces ruraux.
Et que dire de l’offre aérienne low cost dont la croissance est continue et même subventionnée ? Palma de Majorque, c’est 100 000 vols par an selon le prestataire de réclamations aériennes Flightright, en moyenne 400 vols par jour en période estivale. Peut-on vraiment parler de surtourisme ou faut-il parler d’une totale irresponsabilité politique qui a conduit à provoquer trop de déséquilibres entre le visiteur et le visité, en n’imposant aucune limite au trafic aérien ?
De là à faire le lien entre le surtourisme et le tourisme de masse, il n’y avait qu’un pas aisément franchi, au prétexte que les touristes passent leurs vacances dans les mêmes lieux au même moment. En août, Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) accueille près de 100 000 personnes par semaine, mais c’est bien la capacité de la station : il n’y a aucun dépassement, aucune raison de pointer ce tourisme balnéaire comme une forme de tourisme dont on ne voudrait plus, sans proposer la moindre solution de rechange crédible.
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